Liste de naissance : petits tracas de futur papa
Cher bébé9,
Comme tu le sais depuis plusieurs semaines maintenant, je viens bientôt être papa. Mais ça, tu le savais déjà.
Comme tu le sais également, cette nouvelle vie qui s’annonce me remplit de joie, mais ça, tu le savais déjà aussi. Des futurs papas-gâteaux qui s’extasient devant des chaussettes miniatures, tu en vois tous les jours.
Tu en vois tellement, d’ailleurs, qu’il est étonnant que j’ai à coucher sur papier mon ressenti. Parce que, oui, on pourrait imaginer qu’au vu du nombre de futures mamans et de futurs papas que tu vois tous les jours, tu devrais savoir ce qu’ils attendent et comment répondre à leurs besoins.
Mais non.
Ou alors si, mais il y a bien longtemps, parce que tu n’as manifestement pas su prendre le tournant quand le web est arrivé et que l’e-commerce a fait son entrée fracassante dans nos vies. Ce jour-là, tu devais être distrait, tu t’es pris un platane. C’est pas de bol, mais c’est comme ça.
Tout avait déjà mal commencé : selon les sources de mon épouse, la plupart des magasins chez qui on voudrait déposer une liste de naissance exige (ou « conseillent fortement ») que l’on y achète également la chambre et la poussette. Ben voyons. Pour la poussette, c’était hors de question, nous avions trouvé le modèle qui nous plaisait au prix qui nous plaisait. Et pour la chambre, ma foi, nous l’avons trouvé chez toi. Et nous en sommes contents.
Nous étions d’autant plus contents que tu fasses partie des rares gentils : ceux qui n’obligent à rien. Nous avons donc décidé de déposer notre liste de naissance chez toi. Bien mal nous en a pris.
J’aurais dû avoir la puce à l’oreille dès le début, lorsque nous sommes arrivés pour commencer la fameuse liste de naissance : mon nom a été amputé, ni plus, ni moins.
Certes, mon nom combiné à celui de mon épouse compte 44 caractères. C’est beaucoup, mais pas encore tant que ça. Malgré tout, ton système informatique n’accepte que 40 caractères. Point. Me voici donc rebaptisé « Céd ».
Ça ne me dérange pas tant que ça, mes amis m’appellent déjà ainsi, mais qu’arrivera-t-il lorsqu’une de mes connaissances cherchera mon nom complet pour accéder à notre liste de naissance ? Qu’arrivera-t-il lorsqu’un couple, dont la somme des caractères des noms et prénoms, sera largement supérieur à 40 ?
On nous demande ensuite nos coordonnées. Nous sommes belges, nous vivons près de la frontière, et chez nous, les codes postaux sont consitutés de 4 chiffres. Chez toi, au sud de la frontière, vous en avez 5. Et manifestement, ceux qui ont développé ton système informatique n’ont jamais imaginé que tu pourrais avoir des clients belges.
Tu décides donc d’ajouter un zéro à mon code postal, ce qui me localiserait à Saint-Laurent-du-Var, près de Nice. C’est très gentil à toi, mais j’habite à Arlon, ou il fait bien plus froid que dans le sud de la France. Heureusement, la liste de naissance n’est pas géolocalisée.
Passons ces désagréments, même s’ils me défrisent un peu. C’est une déformation professionnelle, vois-tu, étant développeur, je m’étonne toujours de ce genre de problèmes, qui n’auraient tout simplement pas dû exister.
De retour à la maison, nous voulons accéder à notre « bébéliste », comme tu l’appelles. Et une fois encore, j’ai failli m’étouffer : j’ai reçu au minimum 3 e-mails là où un aurait été suffisant, et pire, j’ai reçu mon mot de passe pré-généré, en clair, comme si de rien n’était.
De nouveau, je passe outre mon agacement : je clique sur le lien de confirmation et j’arrive sur un formulaire de connexion. Je remplis religieusement mon identifiant et mon (ton) mot de passe, j’appuie sur « enter » et… rien. De retour sur le formulaire.
Soit, j’ai dû me tromper. Je réessaye une nouvelle fois en copiant le mot de passe directement depuis le mail que j’ai reçu de ta part, histoire d’être certain de ne pas m’être trompé. Toujours rien.
Je décide donc de lancer la procédure de redéfinition de mot de passe, on ne sait jamais. Mais non. Définitement. Rien. Pas même un message d’erreur.
Mon épouse essaye de son côté, même résultat.
J’essaie une ultime fois, en prenant toutes les précautions du monde, je saisit ma souris et clique sur le bouton « me connecter ». Ô joie. Voilà donc mon erreur : il fallait impérativement cliquer sur le bouton « me connecter » et non confirmer le formulaire via la touche « enter » de mon clavier (chose que je fais tous les jours, des centaines de fois).
Il va sans dire qu’à ce stade, je n’ai qu’une envie : te contacter, annuler la « bébéliste » et recommencer chez un de tes concurrents qui a fait appel à des développeurs plus compétents. Mais j’ai passé deux heures dans ton magasin à faire mon choix, et je suis fatigué. Finalement, quelques petits problèmes sur ta plateforme ne m’arrêteront pas, si ? Peut-être aurais-je mieux fait.
Quelques semaines plus tard, ma belle-mère décide très gentiment de nous faire quelques cadeaux. Elle se rend donc dans ton magasin, et fais son choix parmi les éléments de notre liste. Consciencieuse, elle met la priorité sur les urgences : les choses dont nous aurons besoin immédiatement au retour de la maternité.
Au moment de payer, elle s’inquiète de savoir quand ce sera livré, parce que dans un mois, bébé sera probablement là. En rigolant, tu lui réponds que non, que tout arrivera bien rapidement, qu’il n’y a pas de quoi s’en faire.
C’était il y a 3 semaines, nous étions à la 36e semaine de grossesse de mon épouse. Aujourd’hui, rien n’est encore arrivé, aucune nouvelle de ta part, comme si tu nous avais oubliés. Inquiet, je décide de te contacter par téléphone. Et toi, de me répondre que tu « n’as toujours rien reçu, que ça devrait arriver dans une dizaine de jours ».
Bien que l’envie de t’étrangler est vive, je reste courtois, je t’explique que nous sommes à la 39e semaine de grossesse, que dans dix jours, bébé est censé être là, et que tu nous avais assuré que tout serait disponible bien rapidement, qu’il n’y avait pas de quoi s’en faire. Tu me réponds que tu vas te renseigner et que tu me rappelleras.
Tu m’as effectivement rappelé, pour me dire qu’un (1 !) produit commandé pourrait être disponible plus tôt, mais que pour le reste, il faudrait patienter. Je te propose donc, toujours poliment même si le rouge me monte aux oreilles, que tu me rembourses les produits commandés qui ne seront pas livrés à temps, que j’irais les chercher ailleurs, là où ils seront disponibles.
Mais non, malgré ma bonne volonté, tu refuses l’arrangement que je propose : tu veux bien remettre la somme des achats sur d’autres éléments de la liste, mais pas rembourser. Or la somme en question était consacrée à ces produits bien précis, pas à autre chose, et tu m’avais promis qu’ils arriveraient à temps. Tu m’as trahi, deux fois.
Je ne sais pas comment se passeront les choses d’ici à ce que nous fermions notre liste chez toi, mais une chose est sûre, si je suis à nouveau papa dans quelques années, je ne reviendrai plus chez toi.
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